Lettre écrite du hameau de la Mirauderie en automne 1832


























Postée du hameau de la Mirauderie par un sieur A. Demont, la lettre est adressée à sa mère, Agathe Laval, restée avec l'épouse dudit Demont à Fontenay-le-Comte, en Vendée.

Leur correspondance nous ouvre une petite fenêtre sur les préoccupations domestiques des habitants du hameau. L'auteur se trouve en visite à la Mirauderie, une ancienne métairie ayant appartenu au prieuré, accompagné de ses deux fils, Arthur et Louis. Il s'est déplacé à l'occasion des vendanges afin d'aider un dénommé Savignac, vieillard invalide (à savoir Guy Savignac, négociant niortais alors âgé de 75 ans, déjà noté comme propriétaire des lieux sur le cadastre de 1820. Les terrains alentours étaient alors couverts de vigne).

Du point de vue du format, la lettre n'a pas d'enveloppe : elle est faite d'une seule feuille de papier, d'abord pliée en deux afin de constituer quatre pages (dont la couverture et trois pages écrites), et puis repliée jusqu'à former en soit une enveloppe. L'adresse est inscrite au centre d'une petite partie de la feuille, sur la page de couverture, destinée à être la face visible de l'enveloppe.

De la Mirauderie, le 7 octobre 1832, 
Une occasion se présente, ma bonne mère, et quoi que l'on me donne peu d'instants pour t'écrire, je veux en profiter et t'embrasser bien tendrement. Tu seras bien aise d'avoir de nos nouvelles à tous, avant le jour où je te les porterais moi-même. 
Nous avons un temps peu favorable pour la promenade, aussi nous gardons l'hermitage, ce qui fait que notre patriarche est toujours en société. Arthur seul va en reconnaissance des villages ou hameaux d'alentour. Il prend ses ébats le jour et le soir. Le vieil ami fait une partie de complaisance avec notre écolier, qui hier soir parvint à lui gagner une petite pièce de cinq sous, en jouant à l'écarté. Aisément, tu jugeras de la joie du jeune débutant. 
Pour Louis, il ne me quitte pas une minute. Il fait le postillon une grande partie du jour. C'est le seul amusement qu'il veut connaître. Comme il a son franc-parler, il dit souvent qu'une autre fois, il restera avec sa bonne maman. 
Mr Savignac a toujours ses jambes dans un mauvais état, bien qu'il voulu marcher à trois fois différentes, et ce matin elles sont pires. Germaine tremble que d'un jour à l'autre, il ne soit obligé de garder le lit. 
Leurs vendanges ne se commencent que demain. On dit que le raisin est très sain et assez abondant. Si la tempête ne s'apaise pas, nous ne pourrons aller visiter les vendangeurs, qui demain matin dès trois heures vont se faire entendre. Puis nous ne les verrons que le soir, où leurs voix et joie bruyantes ne seront pas du tout pour moi le moment le plus agréable de la soirée. 
J'ai toujours l'intention d'arriver près de toi le jeudi 11 sur les midi une heure. Aie la bonté d'envoyer Joseph chez Isambert, pour lui rappeler que j'ai dit à Isambert à Niort que je retenais trois places de son cabriolet, et qu'il n'oublie pas de venir me chercher le 11 chez Mr Savignac, à huit heures et demie ou neuf heures au plus tard. 
Adieu, ma bien chère amie, tous se réunissent à moi pour te faire mille amitiés. J'y joins pour mon compte personnel de ces sentiments tendres et bien doux pour le cœur de tous. 
A : Demont  [qui ajoute ensuite, apparemment à l'adresse de sa femme] :
Joséphine m'a dit que son mari ne devait venir à Fontenay que le 12. Je pense, ma chérie, que tu auras fait changer tes citronniers et orangers de terre. Je regrette de ne t'avoir pas aidé dans ta surveillance. D'un autre côté, cette occupation t'auras fait trouver le temps moins long durant l'absence de mes deux tapageurs et de la mienne. 
De loin comme de près, j'éprouve du vide quand en tournant sur moi-même je ne te rencontre pas à tout moment. Adieu, adieu, nous t'embrassons mille fois de tout cœur.

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