Signatures d'antan


Quelques signatures relevées dans les registres de la Foye, caractéristiques du grand siècle. Celle de François FAVIER en 1677, époux de Marie BEAUMIER, apothicaire à Niort et frère du curé Élie FAVIER :


Celles de Nicolas JACOB, sieur de la Berlinière, procureur et notaire à la Foye, époux de Françoise PASTUREAU, et de Guillaume BONNIN, époux de défunte Marie Anne QUINCARLET, dont la mère avait abjuré en 1680. 



En 1713, Jean JACOB, prêtre et chaplain (le curé de Granzay qui signe le mariage ouvrant les registres de 1720 ?), peut être le frère de Nicolas, avait été parrain d'un enfant avec Marie de MACARTHY, marraine.

Les Franc-maçons de la Foye ?
Un siècle plus tard deux autres signatures appartenant aux notables André Augustin VIEN [biographie], notaire et huissier avant la Révolution, procureur puis maire de la Foye en 1800, et Henri JOUSSEAUME, son gendre, propriétaire à Usseau. Ce style avec barres et points fut d'un usage très répandu durant la période révolutionnaire et l'Empire et ne constitue pas en soit une preuve que leur auteur fut un franc-maçon.

Le Dictionnaire de la franc-maçonnerie (PUF 2004) indique que « l’origine de ce signe ne peut se trouver ni dans la Compagnie du Saint Sacrement, ni chez les Rose-Croix, ni dans les sociétés de bâtisseurs. L’attention doit être attirée vers les congrégations, le plus souvent créées et animées par les Jésuites, au moment de la Contre-Réforme, et particulièrement des congrégations mariales. Dans ces communautés religieuses, les deux traits symbolisent les deux colonnes, c’est-à-dire l’Ancien et le Nouveau Testament, et les trois points représentent la Sainte Trinité, alors que pour les francs-maçons ils signifient le passé, le présent et l’avenir. »  [1]   (On trouve d'autres interprétations des barres et points, où par exemple les barres représentent l’Ancien et le Nouveau Testament et les points les colonnes du Temple).
















En 1810, André Augustin signe ici avec son fils, Pierre André VIEN, dit Fontaine (son pseudonyme qui se substitut à son patronyme dans sa signature). On remarque par deux fois dans la signature de Pierre André le "8" couché, symbole mathématique de l'infini créé par John Wallis en 1655, qui représente en maçonnerie le concept d'universalité. Mais le point ajouté dans la boucle de droite évoque peut être symboliquement un poisson :



















Pierre André VIEN sera notaire comme son père, sous l'Empire et la Restauration, puis maire de Chizé où il décèdera en 1865. Fut témoin à son enterrement, Damase Augustin VIEN, son neveu, avocat de 48 ans installé à Paris, sera propriétaire du château de Prinçay à Brieuil-sur-Chizé [2]. Son épouse, Francoise Félicité AYRAULT, décéda précocement en 1824. Il ne se remaria jamais.

Sous la Révolution, on relève deux signatures appartenant à la même famille : la première est celle de Jean-Philippe CLERC du FIEFFRANC, autre notable de la Foye, alors membre du conseil général de la commune :


Signature de Jean-Philippe CLERC du FIEFFRANC, officier municipal en 1792.


Signature en tête de registre de la Foye en 1796 (an V).

On trouve ce style de signature à la Foye dès septembre 1738 avec  Louis Isaac BASTARD de CRISNAY, marchand, fermier du prieuré et seigneur de Péré, la Motte et la Chassotière. L'un des membres fondateurs de la loge niortaise l'Intimité, créée cette même année en avril ? En fait, ce style de signature apparaît dès le début du XVIIe siècle, et pour « l’historien Maurice Agulhon (Pénitents et Francs-Maçons, Fayard, 1968), cité par Thierry Sabot "c’est peu probable ; la mode des trois points était trop répandue et banalisée à la fin de l’Ancien Régime ", bien avant le développement des loges. La triponctuation des signatures n’est donc pas spécifiquement maçonnique, d’autant que le premier document maçonnique triponctué date de 1764 » :  [1] 







L'Intimité fut la première loge maçonnique fondée à Niort en 1738 (et la première dans la région, avant Rochefort, Saintes et La Rochelle en 1744). Elle fut créée par 14 membres sous l'influence d'un groupe d’anglais, qui se trouvait au collège de l’Oratoire, lieu de formation privilégié pour l’élite intellectuelle Niortaise à cette époque (collège où le curé BORY, janséniste notoire, avait été professeur [biographie]). L’intimité adhérait alors à la Grande Loge d’Angleterre et lui resta longtemps fidèle. Elle eut comme premier vénérable le représentant du roi, Denis JOSSET, Seigneur de la Mare, commandant du château de Niort, et devait compter sur ses colonnes des militaires mais aussi des membres du clergé, des protestants, des commerçants, souvent membres de familles riches, aisées et influentes dans la ville et la province alentour. La loge fut rattachée au Grand Orient de France en 1774, et devait par la suite connaître des fortunes diverses : elle ferma pendant la Révolution entre 1792 et 1801, mais comptait  jusqu’à 105 frères trois ans plus tard. Elle suspendit de nouveau son activité en 1818, sous la Restauration, en raison des pressions policières. [3]

Dans les registres municipaux, en 1790, l'enregistrement des lois de l'Assemblée nationale, des lettres patentes et des proclamations du roi, retranscrites en l'occurrence par André Augustin VIEN, s'ornent de motifs similaires :




À la même époque, on relève la signature de Pierre GANDELIN, agent municipal de la commune voisine du Petit Prissé (en 1798), celle de Jean ALLEAU, adjoint au maire au Cormenier (en 1822) et celle de MEMAIN, maire de la Charrière (en 1831) :

















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Notes
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[1] Source : Thierry Sabot, Histoire-Généalogie : Les signatures à trois points et deux traits sont-elles l’œuvre de francs-maçons ?   [<-]

[2] Cité dans Châteaux, manoirs et logis des Deux Sèvres   [<-]

[3]  (Sources : J. C. Faucher : Histoire de la Franc-maçonnerie dans les Deux-Sèvres, 1977 et Yves Hivert-Messeca, Jalons pour l'histoire de la génèse de la Franc-maçonnerie en France)   [<-]