Mortalité infantile

Au XVIIIe siècle en Europe, un enfant sur quatre mourrait avant un an, et un sur deux seulement arrivait à l’âge adulte. Les décès étaient d'autant plus fréquent lors des périodes de crise (par exemple durant la fronde ou suivant l'hiver 1709-1710, où à l'approche de la Révolution) :
  • Le 14 septembre 1753 décède le petit Louis BODIN, âgé de dix mois. Ce jour là, Guillaume Joseph BODIN et Marie GIRAUDEAU perdent leur quatrième enfant de suite, en bas-âge tout comme les trois précédent : Jeanne, Marie et Pierre. Marie GIRAUDEAU décède elle aussi peu après, en mai 1754. 
  • Jean BONNIN et Anne BODIN (soeur de Joseph ci-dessus), perdent dix de leurs treize enfants, dont quatre en septembre-octobre durant la grande famine de 1769. 
  • La Restauration connaît également une forte mortalité infantile : Pierre ALLAIN, dit Marceau, et Rose DESPRÉS perdent trois de leurs neufs enfants durant le seul mois d'août 1820 (en tout quatre de leurs neuf enfants).
  • L'été 1820 dut être particulièrement dur, puisque Pierre BERNARD, dit Simotte et Françoise DEBORDE perdent eux aussi quatre enfants, tous décédés vers la mi-août. Cette année-là, l'hiver avait été très rude (-14˚C à Paris), avec des gelées qui avaient détruit les récoltes et les légumes : des conditions propices à la disette et aux épidémies. Entre 1792 et 1824, Pierre perdra sept des huit enfants qu'il eut de ses deux épouses.

Jusqu'au XVIIIe siècle, le taux de survie des enfants jumeaux était encore plus faible, peut être en raison de la malnutrition, qui ne permettait pas à la mère de donner suffisamment de lait pour deux enfants. On le constate à la Foye en plusieurs occasions, ainsi Marie et Elizabeth Geneviève CHAIGNON, nées le 3 janvier 1780 et décédées ensemble trois jours plus tard, ou celle de Jean Jacques et Madeleine HÉRISSÉ, nés en juillet 1781 et décédés peu après. [1]

Certains enfants étaient mis en nourrice, dans le cas notamment où leur mère était morte en couche, prématurément ou qu'elle était mal portante. Le plus souvent cependant, c'est parce qu'elle était contrainte de travailler. Ainsi, la plupart des décès relevés à la Foye sont ceux d'enfants nés de parents habitants à Niort, ville voisine où nombre de femmes étaient employées [2]. La situation était différente dans les villages, où elles ne l'étaient que dans le contexte de travaux domestiques qui n'impliquaient pas de séparations avec leurs enfants. Le manque d'éducation, d'hygiène et la pauvreté des familles d'accueil contribuaient également au taux de mortalité. On relève à la Foye :
  • 1746 : Catherine CHABOT, fille de François Daniel, avocat au siège royal de Niort, et Françoise GUILLEMEAU. Catherine décède en nourrice chez Marie ARNAULT, âgée de 18 jours.
  • 1751 : Jean MARCHET, fils de Pierre François, maître cordonnier de Niort et Catherine COLLON. Jean décède en nourrice chez Jean BONNIN, maçon et Anne BODIN, âgé de six semaines.
  • 1817 : Laurent AUGUSTE, décède en nourrice chez François BAFFREAU, âgé de quinze jours.
  • 1820 :  Sébastien CHARLES, enfant trouvé, décède en nourrice chez Jacques GIRAUDEAU, journalier.
  • 1831 : Marie Marguerite Alexandrine BAUDON, fille de Charles et de Marie Dorothée PRÉSAT, demeurant à Niort, décédée en nourrice chez François GABORIAUD, âgée de 7 mois.


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Notes
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[1] Même observation dans les paroisses avoisinantes, avec par exemple le décès de Madeleine et Marie Anne de VILLARD en 1792, quelques jours seulement après leur naissance, filles jumelles d'une famille de maçons limousins installés à Saint-Symphorien.

[2] Au XVIIIe siècle en particulier, la fréquence des décès d'enfants citadins placés en nourrice dans des familles rurales révèle l'ampleur de ce phénomène social, très commun à cette époque. Les familles d'accueil étaient en forte demande, à en juger par les seuls décès relevés à la Foye-Monjault, village pourtant situé à 19km de la ville. Par comparaison, les registres de Saint-Symphorien (paroisse comptant une population équivalente à celle de la Foye mais située à mi-distance, donc plus accessible pour les parents) indiquent un taux de décès plus de deux fois supérieur à celui de la Foye, suggérant soit la présence d'un plus grand nombre de familles d'accueil, soit un plus grand nombre d'enfants au sein des familles d'accueil

Les citadins plaçaient leurs enfants là où la première opportunité se présentait. On relève ici l'exemple de la famille FONBEURRE, taneurs de Niort, dont l'un des enfants, Luc, décède en nourrice à Saint-Symphorien en 1724. Le placement des enfants en zone rurale était une fonction sociale bien enracinée dans l'esprit de nos citadins, et ce tout au long du siècle, puisque la même famille perdra la petite Marie, de la même façon et dans la même paroisse, en 1792 ! Saint-Symphorien avait la préférence, mais pas l'exclusivité de la garde des enfants de cette famille, car nous retrouvons entretemps nos FONBEURRE à la Foye-Monjault, avec le décès d'Ursule en 1760.


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